« Le fond de l’océan est en train de devenir le prochain théâtre de la compétition mondiale pour les ressources, et la Chine est sur le point de le dominer. » Ces mots, tirés d’un rapport du Washington Post (2023), capturent l’enjeu stratégique de l’exploitation minière en eaux profondes. Alors que la transition énergétique mondiale s’accélère, la demande pour les minéraux critiques (cobalt, nickel, cuivre, manganèse et terres rares) explose. Ces ressources, essentielles aux batteries lithium-ion, aux éoliennes et aux technologies de pointe, sont abondantes dans les fonds marins, notamment dans la Zone de Clarion-Clipperton (ZCC) du Pacifique. Avec une valeur estimée à 20 000 milliards de dollars, ces dépôts sous-marins attirent les grandes puissances, en particulier les États-Unis et la Chine, dans une course à la fois économique et géopolitique.
Les enjeux économiques et stratégiques
L’exploitation minière en eaux profondes consiste à extraire des minéraux à des profondeurs supérieures à 200 mètres, souvent sous forme de nodules polymétalliques riches en cobalt, nickel, cuivre et manganèse. Ces ressources sont cruciales pour répondre à la demande croissante des technologies vertes. Par exemple, le cobalt et le nickel sont des composants clés des batteries lithium-ion, tandis que les terres rares sont essentielles pour les aimants des éoliennes et des moteurs électriques. Selon le World Resources Institute (2025), la demande mondiale pour ces minéraux devrait quadrupler d’ici 2040 en raison de la transition énergétique.
Les fonds marins, en particulier dans les eaux internationales, abritent des réserves plusieurs fois supérieures à celles des gisements terrestres. La ZCC, par exemple, contient des milliards de tonnes de nodules polymétalliques, représentant une valeur potentielle de 20 000 milliards de dollars. Cette richesse n’est pas seulement économique : elle confère un avantage stratégique à celui qui la contrôle, en renforçant son influence sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et les industries technologiques.
La domination chinoise
La Chine a pris une avance significative dans l’exploitation minière en eaux profondes. Selon New Security Beat (2023), le pays détient cinq contrats d’exploration de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA), plus que tout autre État, lui donnant accès à des zones riches en minéraux dans les océans Pacifique, Indien et Arctique. Des entreprises comme le groupe Jinhang, soutenues par des investissements de 20 millions de RMB, développent des robots miniers et des systèmes de contrôle intelligents, avec pour objectif des opérations commerciales d’ici fin 2025 (Stimson Center, 2024).
Cette stratégie s’inscrit dans une vision plus large. La Chine contrôle déjà 70 % de la production mondiale de terres rares et une grande partie du raffinage du cobalt et du nickel. En investissant dans l’exploitation minière sous-marine, elle vise à consolider sa domination sur les chaînes d’approvisionnement, renforçant son influence géopolitique. Par exemple, en février 2025, la Chine a signé un protocole d’accord avec les Îles Cook pour explorer leurs fonds marins, illustrant son approche diplomatique pour sécuriser des ressources (CSIS, 2025).
Les ambitions américaines
Les États-Unis, en revanche, sont à la traîne, en partie à cause de leur non-participation à l’ISA et de leur non-ratification de l’UNCLOS. Cependant, des développements récents montrent une volonté de combler cet écart. En avril 2025, un décret exécutif signé par le président Trump a ordonné l’exploration des ressources minérales dans le plateau continental américain et dans les zones internationales (CSIS, 2025). Ce décret marque un tournant, visant à réduire la dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine pour les minéraux critiques.
Les États-Unis explorent également des partenariats avec des alliés comme l’Australie et le Canada, ainsi qu’avec des entreprises privées. Par exemple, l’entreprise canadienne The Metals Company cherche à obtenir des permis américains pour exploiter des gisements dans la ZCC, contournant l’ISA (Chemical & Engineering News, 2025). Cette initiative a suscité des critiques de la part de pays comme la Chine et la Russie, qui dénoncent une violation potentielle du droit international (CSIS, 2025).
Défis environnementaux
L’exploitation minière en eaux profondes soulève des préoccupations environnementales majeures. Les fonds marins abritent des écosystèmes uniques, souvent mal compris, qui pourraient être irréversiblement endommagés par les activités minières. Les panaches de sédiments générés par l’extraction peuvent étouffer la vie marine, tandis que la pollution sonore et lumineuse risque de perturber les espèces adaptées à l’obscurité des grands fonds (World Resources Institute, 2025). Des groupes environnementaux et des scientifiques appellent à un moratoire jusqu’à ce que des études approfondies évaluent ces impacts.
Tensions réglementaires
L’Autorité internationale des fonds marins (ISA), créée sous l’égide de l’UNCLOS, est chargée de réguler l’exploitation minière dans les eaux internationales. Cependant, en juillet 2025, l’ISA n’a pas encore finalisé un cadre réglementaire pour les opérations commerciales, bien que des discussions soient en cours lors de sa 30e session (World Resources Institute, 2025). Cette absence de réglementation claire alimente les tensions, notamment avec des initiatives comme celle de The Metals Company, qui cherche à exploiter les fonds marins sous l’égide des États-Unis, provoquant des objections de la Chine, de la Russie et d’autres pays.
Autres acteurs mondiaux
Outre les États-Unis et la Chine, d’autres pays participent à la course. La Corée du Sud et la Russie détiennent chacune trois contrats d’exploration de l’ISA, tandis que le Japon et des nations européennes comme la Norvège explorent leurs zones économiques exclusives (Stimson Center, 2024). Ces acteurs, bien que moins dominants, contribuent à la complexité de la compétition mondiale.
Tableau comparatif : Chine vs États-Unis dans l’exploitation minière en eaux profondes
Critère | Chine | États-Unis |
---|---|---|
Contrats ISA | 5 contrats, le plus grand nombre (New Security Beat, 2023) | Aucun, non-participant à l’ISA (CSIS, 2025) |
Technologie | Robots miniers et systèmes intelligents en développement (Stimson Center, 2024) | Début d’exploration via décret exécutif (CSIS, 2025) |
Stratégie | Domination des chaînes d’approvisionnement, partenariats diplomatiques (Washington Post, 2023) | Réduction de la dépendance à la Chine, partenariats privés (Bloomberg, 2025) |
Objectif 2025 | Opérations commerciales (Stimson Center, 2024) | Exploration initiale (CSIS, 2025) |
Défis | Pressions environnementales, tensions réglementaires (NPR, 2025) | Non-participation à l’ISA, retard technologique (Bloomberg, 2025) |
Perspectives et implications
La course aux minéraux des fonds marins redéfinit les dynamiques géopolitiques et économiques mondiales. La Chine, avec son avance technologique et réglementaire, est bien placée pour dominer ce marché naissant. Les États-Unis, bien que retardataires, pourraient tirer parti de leur expertise technologique et de leurs partenariats pour rattraper leur retard, mais leur non-participation à l’ISA reste un obstacle majeur (Bloomberg, 2025).
Sur le plan environnemental, l’absence de données complètes sur les impacts de l’exploitation minière en eaux profondes rend la prudence nécessaire. Un cadre réglementaire robuste, attendu de l’ISA en 2025, sera crucial pour équilibrer les intérêts économiques et la protection des écosystèmes marins. Par ailleurs, des initiatives comme le recyclage des minéraux et l’exploitation minière urbaine pourraient réduire la dépendance aux ressources sous-marines (World Resources Institute, 2025).
La course à l’exploitation minière en eaux profondes est bien plus qu’une compétition économique : elle touche à la sécurité nationale, à la transition énergétique et à la préservation de l’environnement. La Chine, avec ses investissements stratégiques et son avance réglementaire, domine actuellement, mais les États-Unis, poussés par des impératifs stratégiques, cherchent à entrer dans la course. Alors que l’ISA s’efforce de finaliser un cadre réglementaire en juillet 2025, le monde observe avec attention. L’avenir de cette industrie dépendra de la capacité des nations à concilier innovation, coopération internationale et responsabilité environnementale pour exploiter les richesses des fonds marins sans compromettre leur intégrité.