Harmoniser les intérêts autour du gaz GTA : la nature juridique de l’accord interétatique entre le Sénégal et la Mauritanie

L’exploitation du champ gazier Grand Tortue/Ahmeyim (GTA), situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, illustre une coopération énergétique exemplaire en Afrique de l’Ouest. Au cœur de ce projet stratégique, l’accord interétatique (ACI) signé en 2018 entre les deux pays se distingue comme un cadre juridique novateur, garantissant une gestion harmonieuse et équitable des ressources transfrontalières.

Selon une analyse approfondie réalisée par Abdoulaye Tandia, consultant juridique et fiscal, dans le cadre d’un mémoire de master soutenu le 28 décembre 2020, l’ACI est bien plus qu’une simple entente diplomatique. Cet accord, ancré dans les principes du droit international, établit un cadre contraignant pour une collaboration énergétique inédite. Il vise à prévenir les conflits juridiques et fiscaux tout en assurant une exploitation optimale du gisement gazier.

Une coopération structurée autour de deux piliers

L’accord repose sur deux mécanismes clés. Premièrement, le principe d’unitisation, inspiré du droit anglo-saxon, traite le gisement GTA comme une entité unique, malgré sa répartition entre les juridictions sénégalaise et mauritanienne. Ce principe, formalisé par un accord d’unitisation entre les compagnies nationales et les partenaires privés, garantit une gestion intégrée des opérations, évitant les chevauchements et les litiges.

Deuxièmement, un système de partage dynamique des ressources a été instauré, avec une répartition initiale de 50/50 entre les deux États. Cette répartition, révisable en fonction de paramètres économiques, techniques et géologiques, permet d’équilibrer les intérêts des parties sur le long terme, assurant ainsi une flexibilité face aux évolutions du projet.

Un modèle pour l’Afrique

Ce partenariat entre le Sénégal et la Mauritanie se présente comme un modèle pour les projets transfrontaliers en Afrique. En structurant leur coopération à travers un cadre juridique solide, les deux pays ont anticipé les risques de conflits, tout en offrant une sécurité juridique aux investisseurs privés. Cette approche, qualifiée d’ »intelligente » par les experts, illustre une nouvelle génération de collaborations africaines fondées sur l’intérêt mutuel et la stabilité économique.

Le projet GTA, dont l’exploitation a débuté récemment, est un levier de développement économique pour les deux nations, avec un potentiel pour transformer la région en un hub énergétique. En plaçant le droit au service de la coopération, le Sénégal et la Mauritanie posent les bases d’un partenariat durable, susceptible d’inspirer d’autres initiatives sur le continent.

TANDIA Abdoulaye
Consultant Juridique et Fiscal