La SNIM, géant du fer mauritanien, à la croisée des chemins : Entre record historique et défis de diversification

La SNIM, géant du fer mauritanien, à la croisée des chemins : Entre record historique et défis de diversification

La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), pilier économique de la Mauritanie, maintient son statut de première entreprise du pays et de deuxième employeur après l’État. Exploitant le fer de la Kédia d’Idjil dans la région du Tiris Zemmour depuis l’époque de la MIFERMA (Mines de fer de Mauritanie) avant l’indépendance, la SNIM a marqué l’année 2024 par un record historique : 14,226 millions de tonnes de minerai de fer vendues. Cependant, face à la montée en puissance de l’exploitation aurifère à Tasiast et du champ gazier offshore Grand Tortue Ahmeyim, l’entreprise se trouve à un tournant stratégique ; entre ambitions mondiales, diversification parfois précipitée et défis environnementaux et humains.

En 2024, la SNIM a atteint un jalon historique en dépassant pour la première fois le seuil des 14 millions de tonnes de ventes de minerai de fer, avec un volume précis de 14,226 millions de tonnes, contre 13,7 millions en 2023, selon les données officielles de l’entreprise. Les opérations de chargement et de livraison ont également atteint un sommet de 14,3 millions de tonnes, reflétant une efficacité logistique sans précédent. Malgré une baisse des prix mondiaux du minerai de fer, estimés à environ 95 dollars la tonne en 2024 (contre 120 dollars en 2023, selon Trading Economics), la SNIM a généré un chiffre d’affaires de 1,15 milliard de dollars, en recul par rapport aux 1,37 milliard de 2023, mais avec un bénéfice net solide de 268 millions de dollars (contre 396 millions en 2023).

Ces résultats témoignent de la résilience de l’entreprise face aux fluctuations du marché, notamment influencées par la demande chinoise et les ralentissements dans le secteur immobilier mondial, qui impactent la consommation d’acier. La contribution économique de la SNIM reste significative : 14 % des recettes de l’État, 9 % du PIB national et 37 % des exportations mauritaniennes. Avec 6 759 emplois directs et des relations d’affaires avec 421 entreprises locales générant 4 121 emplois indirects, la SNIM demeure un moteur économique incontournable.

Historiquement centrée sur l’exploitation du minerai de fer, la SNIM s’est lancée dans une stratégie de diversification qui l’a transformée en un véritable conglomérat. Ses dix filiales couvrent des secteurs aussi variés que le tourisme (Somasert S.A.), l’immobilier (Générale de la promotion immobilière, créée en 2021), le gypse (SAMIA), la fonderie (SAFA), l’eau et l’électricité (M2E), le granit et le marbre (GMM), la gestion pétrolière (GIP), la construction mécanique (COMECA), les travaux publics (ATTM) et la manutention (SAMMA). Cette diversification, bien que stratégique pour réduire la dépendance au fer, est parfois perçue comme précipitée, certains analystes soulignant un manque de cohérence avec la mission originelle de l’entreprise.

En parallèle, la Fondation SNIM joue un rôle croissant dans le soutien social le long du corridor Zouerate-Nouadhibou, où s’étend la ligne ferroviaire de 600 km. Avec 8,54 millions de dollars investis dans des projets sociaux en 2024, l’entreprise répond aux attentes de l’État, mais cette responsabilité accrue pourrait alourdir sa gestion financière.

La SNIM ambitionne de devenir le cinquième producteur mondial de fer, un objectif audacieux soutenu par un vaste programme d’expansion. En 2024, l’entreprise a obtenu un prêt de 150 millions de dollars de la Banque africaine de développement (BAD) pour financer un projet de 467 millions de dollars. Ce programme vise à doubler la capacité de la ligne ferroviaire reliant Zouerate à Nouadhibou d’ici 2030, à développer la production de boulettes de fer (pellets) pour répondre à la demande d’acier de haute qualité, et à construire une centrale solaire de 12 mégawatts pour réduire son empreinte carbone.

L’adoption de technologies minières modernes, comme des systèmes de traitement plus efficaces et des opérations à faible consommation de carburant, témoigne de l’engagement de la SNIM à moderniser ses processus. La centrale solaire, en particulier, marque une étape vers une transition énergétique, bien que modeste, dans un secteur traditionnellement énergivore.

Malgré ses performances, la SNIM fait face à plusieurs défis majeurs :

  1. Fluctuations des prix du fer : Les prévisions pour 2025 tablent sur un prix du minerai de fer autour de 95 dollars la tonne, avec des risques de baisse si la demande mondiale, notamment en Chine, continue de faiblir (Reuters, 2025). Les tensions géopolitiques et la volatilité de la production mondiale aggravent cette incertitude.
  2. Diversification à risque : Les projets dans l’or, le cuivre et les terres rares, bien que prometteurs, restent à un stade préliminaire. Leur rentabilité est incertaine, et la dispersion des activités pourrait diluer les ressources financières et humaines de l’entreprise.
  3. Gestion des ressources humaines : Avec 6 759 employés directs, la SNIM doit relever des défis en matière de recrutement, de formation et de gestion des compétences. L’adéquation entre les profils des employés et les besoins d’une entreprise en pleine modernisation est cruciale pour maintenir sa compétitivité.
  4. Concurrence avec d’autres secteurs : L’émergence de l’exploitation aurifère à Tasiast et du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim détourne l’attention des investisseurs et des décideurs, reléguant parfois le fer au second plan.

Pour 2025, la SNIM devra équilibrer ses ambitions de croissance avec une gestion prudente de ses ressources. Les investissements dans la logistique et les technologies vertes, comme la centrale solaire, sont des pas dans la bonne direction, mais leur succès dépendra de la capacité de l’entreprise à rationaliser sa diversification et à renforcer ses compétences internes. Les prévisions de prix du fer, bien que pessimistes, pourraient être contrebalancées par une demande soutenue pour des produits à haute valeur ajoutée, comme les boulettes de fer.

Sur le plan régional, la SNIM continuera de jouer un rôle clé dans l’économie mauritanienne, mais elle devra naviguer dans un contexte mondial marqué par la transition énergétique et les pressions pour une exploitation minière plus durable. La coopération avec des partenaires internationaux, comme la BAD, et l’adoption de normes environnementales rigoureuses seront essentielles pour maintenir sa compétitivité.

En 2024, la SNIM a prouvé sa résilience en enregistrant un record de ventes de minerai de fer et en maintenant une santé financière robuste malgré un marché difficile. Cependant, son avenir dépend de sa capacité à relever les défis de la diversification, de la gestion humaine et de la volatilité des prix mondiaux. Alors que la Mauritanie se tourne vers l’or et le gaz, la SNIM reste un pilier économique, mais son ambition de devenir un leader mondial du fer nécessitera une vision stratégique claire et une exécution rigoureuse. Dans cette course, la SNIM doit non seulement exploiter le fer de la Kédia d’Idjil, mais aussi forger un avenir durable pour elle-même et pour la Mauritanie.

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