Le Contenu Local dans le secteur des hydrocarbures en Afrique en 2024 : Bilan et Perspectives (Kamel Koné)

L’année 2024 a été marquée par une volonté accrue de renforcer le contenu local dans le secteur des hydrocarbures en Afrique. Face à la nécessité de maximiser les retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles, les pays africains ont intensifié leurs efforts pour favoriser la participation des entreprises locales, développer les compétences nationales et créer des emplois. Le contenu local s’est affirmé comme un levier stratégique dans le secteur des hydrocarbures en Afrique, reflétant une volonté croissante des gouvernements et des opérateurs privés d’intégrer davantage les populations locales et les entreprises nationales dans cette industrie clé. Entre avancées notables, défis persistants et initiatives prometteuses, retour sur les moments marquants de l’année et projection vers 2025.

Moments forts et réalisations en 2024 :

Plusieurs événements et initiatives ont jalonné l’année 2024, témoignant de l’importance grandissante accordée au contenu local :

• Adoption et renforcement des lois sur le Contenu Local en Côte d’Ivoire : La Côte d’Ivoire a adopté une nouvelle loi sur le contenu local dans les hydrocarbures, visant à garantir une participation accrue des entreprises locales dans les projets pétroliers et gaziers. Cette loi impose aux compagnies internationales d’intégrer davantage de fournisseurs et prestataires ivoiriens.
• Le First Oil du Gisement Baleine en Côte d’Ivoire : La Côte d’Ivoire a célébré la première extraction de pétrole du champ offshore Baleine, opéré par Eni. Cet événement représente une avancée majeure pour le pays, qui mise sur ce projet pour booster son économie et maximiser le contenu local. Le démarrage de la deuxième phase de développement de Baleine a doublé la production et a pu offrir de nouvelles opportunités aux entreprises locale.
• Démarrage de la phase 2 du gisement Baleine : Le 28 décembre 2024, ENI et son partenaire PETROCI ont lancé avec succès la production de la phase 2 de Baleine permettant d’atteindre une production avoisinant les 60 000 Barils par jour. Cette étape confirme les ambitions de la côte d’ivoire d’atteindre une production de 200 000 Barils de pétrole brut par jour en 2028, positionnant le pays parmi les pays producteurs de pétrole Africains.
• Découverte du gisement CALAO en Côte d’Ivoire : Après Baleine, le géant Italien ENI a annoncé une nouvelle découverte avec un potentiel de 2.5 milliards de Barils de pétrole et 3 300 milliards de pieds cube de gaz, une découverte qui conforte les ambitions de la côte d’ivoire dans sa politique liée aux hydrocarbures.
• Démarrage de la production au Sénégal :Le lancement de la production pétrolière à Sangomar et les avancées du projet gazier GTA (Greater Tortue Ahmeyim) ont mis en lumière l’importance de l’intégration des entreprises locales dans la chaîne de valeur. Le Sénégal a mis en place un cadre réglementaire incitatif pour le contenu local, encourageant les partenariats et le transfert de technologies.
• Investissements en hausse : L’augmentation des investissements dans le secteur pétrolier et gazier africain en 2024 (+23% selon Energy Chamber) a créé des opportunités pour les entreprises locales, notamment dans les services, la logistique et la maintenance.
• En Angola, la mise en œuvre d’un programme de renforcement des compétences techniques pour les jeunes a été saluée comme un modèle d’intégration réussie entre le secteur public et les opérateurs internationaux.
• Le Nigeria, leader historique en la matière, a poursuivi le déploiement de sa loi sur le contenu local (Nigerian Content Act), tout en célébrant des taux records d’intégration locale dans certains projets, atteignant jusqu’à 54 %.
• Initiatives nationales : Plusieurs pays ont renforcé leurs législations et leurs politiques en matière de contenu local, en fixant des objectifs chiffrés et en mettant en place des mécanismes de suivi et de contrôle.
• Ghana : Grâce à la Petroleum (Local Content and Local Participation) Regulations, le pays a vu une augmentation significative de la participation des entreprises locales, notamment dans les secteurs de l’ingénierie et de la logistique.
• Ouganda : Avec le projet du pipeline EACOP, le pays a intégré des centaines de PME locales dans les travaux d’infrastructure, créant des milliers d’emplois directs et indirects.
• Mozambique : Malgré un contexte sécuritaire complexe, le pays a enregistré une montée en puissance des partenariats locaux dans le développement de ses ressources gazières offshore.
• Création de la Future Banque Africaine de l’Énergie : Une initiative majeure en 2024 a été l’annonce de la création de la Banque Africaine de l’Énergie. Cet établissement vise à faciliter le financement des projets énergétiques sur le continent, en mettant l’accent sur le développement du contenu local et l’inclusion des PME africaines dans le secteur des hydrocarbures.

Ces moments ont renforcé l’idée que le contenu local peut non seulement maximiser les retombées économiques des hydrocarbures, mais aussi contribuer à la réduction de la dépendance extérieure.

Pays exemples et bonnes initiatives :

Certains pays se distinguent par leurs avancées en matière de contenu local :

• Le Nigeria : Malgré les défis liés à la baisse de production, le Nigeria continue de promouvoir activement le contenu local à travers le Nigerian Oil and Gas Industry Content Development (NOGICD) Act.
• L’Angola : L’Angola a mis en place une politique ambitieuse de contenu local, avec des exigences strictes en matière de participation des entreprises locales dans les projets pétroliers. Le pays se distingue également par son approche proactive, alliant incitations fiscales et programmes de transfert de compétences.
• Le Sénégal : Avec le démarrage de la production du champ pétrolier Sangomar et la future production du champ gazier GTA, le Sénégal met en œuvre une stratégie axée sur le développement des compétences et la création d’emplois locaux.

Bonnes initiatives :

• Programmes de formation et de développement des compétences : De nombreuses initiatives visent à former la main-d’œuvre locale aux métiers du pétrole et du gaz, en partenariat avec des institutions éducatives et des entreprises internationales. De nombreux pays, comme l’Algérie et le Ghana, investissent massivement aussi dans la formation technique et professionnelle des jeunes.
• Partenariats public-privé : Les collaborations entre gouvernements et majors pétrolières, comme TotalEnergies, Woodside, Eni et BP, se multiplient pour structurer des écosystèmes locaux robustes.
• Accès au financement : Certains pays, comme l’Angola, ont mis en place des fonds spécifiques pour soutenir les PME locales dans l’accès aux marchés des hydrocarbures.
• Fonds de développement du contenu local : La création de fonds dédiés permet de financer les entreprises locales et de les accompagner dans leur développement.
• Plateformes de mise en relation : Des plateformes en ligne facilitent la mise en relation entre les entreprises locales et les opérateurs internationaux.
• Lancement du Forum Africain pour le Contenu Local : Cet événement annuel, tenu à Luanda en septembre, a rassemblé des décideurs politiques, des investisseurs et des experts pour partager les meilleures pratiques. 

Problèmes et défis en Afrique :

Malgré ces progrès, plusieurs défis freinent encore la pleine réalisation du potentiel du contenu local :

• Manque de capacités techniques et financières : Les entreprises locales manquent souvent de ressources pour répondre aux exigences techniques et financières des projets pétroliers et gaziers.
• Insuffisance de compétences : Les écarts en matière de formation technique restent un obstacle majeur à l’emploi local dans des secteurs hautement spécialisés.
• Faiblesse des infrastructures : Le manque d’infrastructures adéquates peut freiner le développement des activités locales.
• Accès limité au financement : Les PME locales peinent à obtenir les ressources nécessaires pour répondre aux standards élevés des contrats internationaux.
• Corruption et manque de transparence : La corruption et le manque de transparence peuvent entraver l’accès des entreprises locales aux marchés.
• Instabilité politique et sécuritaire : L’instabilité politique et les problèmes de sécurité dans certaines régions peuvent dissuader les investissements et nuire au développement du contenu local. Les incertitudes dans certains pays, comme la Libye et le Mozambique, freinent les investissements et compliquent l’intégration locale.

Perspectives en 2025 :

Les perspectives pour 2025 sont encourageantes, avec une volonté continue de renforcer le contenu local. Les axes prioritaires devraient être :

• Renforcement des capacités : Accroître les efforts de formation et de développement des compétences pour permettre aux entreprises locales de monter en gamme. Plusieurs pays, notamment la Côte d’Ivoire et le Mozambique, prévoient d’adopter de nouvelles lois pour structurer davantage le contenu local.
• Amélioration du cadre réglementaire : Mettre en place des réglementations claires et transparentes pour encourager la participation des entreprises locales.
• Promotion des partenariats : Favoriser les partenariats entre les entreprises locales et les entreprises internationales pour faciliter le transfert de technologies et de savoir-faire.
• Digitalisation et innovation : La transition numérique offre des opportunités pour moderniser les processus et renforcer la transparence dans l’attribution des contrats.
• Diversification économique : Utiliser les revenus des hydrocarbures pour développer d’autres secteurs économiques et réduire la dépendance au pétrole et au gaz.
• Intégration régionale : Une collaboration accrue entre les pays africains pourrait permettre de partager les meilleures pratiques et de développer une vision continentale du contenu local.

En conclusion, l’année 2024 a marqué une étape importante dans la promotion du contenu local dans le secteur des hydrocarbures en Afrique. Les efforts doivent se poursuivre en 2025 pour relever les défis et maximiser les retombées économiques de cette industrie pour les populations africaines. Il est crucial de transformer les ressources naturelles en un véritable levier de développement durable et inclusif.