Le Ghana cesse de payer le pétrole avec de l’or

Le nouveau gouverneur de la Banque du Ghana, Johnson Asiama, a annoncé la suspension du programme controversé « or contre pétrole », tout en exprimant sa confiance dans une stabilisation prochaine du cedi, la monnaie nationale, après une année 2024 marquée par une forte volatilité. Dans une interview accordée vendredi à Bloomberg Television, le dirigeant de 56 ans, qui a prêté serment le 25 février 2025, a dévoilé ses priorités pour redresser l’économie ghanéenne, encore fragilisée par le défaut de paiement de sa dette en 2022.

« Nous avons l’intention de maintenir une politique monétaire appropriée », a déclaré Asiama, docteur en économie formé à l’Université de Southampton. Avec des taux d’intérêt maintenus à 27 % et une inflation en recul à 23,5 % en janvier 2025, il mise sur une meilleure coordination entre les politiques monétaire et budgétaire pour atténuer les pressions sur les prix. Cette approche s’appuie sur les engagements de discipline budgétaire pris par l’administration du président John Mahama, élu en décembre dernier, pour restaurer la confiance des marchés.

Le cedi, qui a perdu 19 % de sa valeur face au dollar en 2024, devrait éviter les « volatilités extrêmes » observées récemment, selon le gouverneur. Cette prévision intervient après une période tumultueuse pour le Ghana, premier producteur d’or d’Afrique, qui a dû solliciter un renflouement de 3 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI) et restructurer sa dette suite à son défaut sur ses obligations il y a trois ans.

Introduit par le gouvernement précédent, battu par Mahama aux dernières élections, le programme « or contre pétrole » visait à stabiliser la monnaie en achetant de l’or en cedis pour ensuite l’échanger contre du pétrole. En 2024, la facture des importations pétrolières du Ghana s’élevait à 4,5 milliards de dollars, poussant la Banque du Ghana à acquérir 65,4 tonnes d’or en septembre, dont 30,5 tonnes ont renforcé ses réserves de change à la fin de l’année.

Cependant, ce mécanisme a généré des pertes, bien que leur ampleur n’ait pas été précisée par Asiama. « Nous avons dû subir des pertes à ce sujet », a-t-il confié à Ondiro Oganga de Bloomberg, avant d’annoncer la suspension du programme. À l’avenir, la banque centrale pourrait céder cette responsabilité à un futur Conseil de l’or, dont la création est imminente, a-t-il ajouté.

Nommé dans un contexte de redressement économique, Asiama hérite d’une institution fragilisée par un dépassement record de 60,9 milliards de cedis (3,9 milliards de dollars) en 2022, lié à des réductions de prêts pour répondre aux exigences du FMI. « Je peux vous dire avec certitude que nous n’enregistrerons aucune perte cette année », a-t-il affirmé, promettant des mesures rigoureuses pour maîtriser les coûts opérationnels.

Cette suspension marque un changement stratégique pour le Ghana, qui cherche à stabiliser son économie tout en capitalisant sur ses ressources aurifères. La fin du programme « or contre pétrole » et les efforts pour juguler l’inflation et les pertes de la banque centrale pourraient ouvrir la voie à une reprise durable, à condition que les engagements budgétaires et monétaires soient tenus. Alors que le pays se remet du traumatisme de son défaut de paiement, les décisions d’Asiama seront scrutées de près par les investisseurs et les partenaires internationaux.