Le marché des minéraux critiques, essentiels à la fabrication des batteries pour véhicules électriques (VE), traverse une période de turbulences. Alors que les prix du lithium et du cobalt ont suivi des trajectoires volatiles, le nickel, un composant clé des batteries lithium-ion, a connu sa propre saga. Depuis une envolée spectaculaire en 2022, marquée par un affrontement entre géants du négoce, jusqu’à une chute progressive des prix en 2025, le nickel reste un espace d’investissement stratégique malgré les défis.
En mars 2022, le marché du nickel a été secoué par un événement sans précédent au London Metal Exchange (LME). Une confrontation entre Paul Singer, du fonds spéculatif Elliott, et Xiang Guangda, PDG du géant chinois du nickel Tsingshan, a provoqué une flambée des prix. En raison de positions courtes massives, le prix du nickel a dépassé 100 000 dollars la tonne en quelques minutes, un record historique. Cette crise, connue sous le nom de « short squeeze », a conduit à l’annulation de transactions d’une valeur de 12 milliards de dollars, à des poursuites judiciaires et à une remise en question des mécanismes de négociation du LME.
L’impact immédiat sur le terrain a toutefois été limité. Le sulfate de nickel, utilisé dans les batteries des VE, a atteint plus de 30 000 dollars la tonne (base 100 % Ni) à l’époque, mais les prix ont rapidement entamé une descente. En 2025, le prix moyen s’établit à environ 17 000 dollars la tonne au deuxième trimestre, selon les données du marché.
Comparé au lithium, le nickel a connu une trajectoire plus stable. Les prix du lithium, après un pic de plus de 80 000 dollars la tonne en novembre 2022, se sont effondrés à 8 450 dollars en juin 2025, soit une chute de près de 90 %. Cette dégringolade reflète une surabondance de l’offre et un ralentissement de la demande mondiale. En revanche, le nickel, bien que confronté à une baisse, reste un marché relativement résilient, soutenu par son rôle central dans les batteries nickel-manganèse-cobalt (NMC) utilisées dans de nombreux VE.
Malgré la volatilité des prix, le nickel conserve une place de choix dans l’industrie des VE. Selon Adamas Intelligence, la valeur des tonnes de nickel utilisées dans les batteries des VE (y compris hybrides rechargeables et conventionnels) vendus dans le monde de janvier à mai 2025 s’élève à 2,20 milliards de dollars. Cela surpasse légèrement la valeur du lithium, évaluée à 2,15 milliards de dollars sur la même période. Ce chiffre est d’autant plus significatif que les batteries sans nickel, comme celles au lithium-fer-phosphate (LFP), gagnent du terrain.
Les batteries LFP, moins chères et plus stables, représentent désormais près de 50 % de la capacité des batteries pour VE déployée en 2025, contre moins de 1 % en 2020. Cette montée en puissance des LFP, particulièrement populaire en Chine, a contribué à freiner la demande de nickel. Cependant, les batteries NMC, riches en nickel, restent privilégiées pour leur densité énergétique supérieure, essentielle pour les VE à longue autonomie.
La baisse des prix du nickel en 2025 s’explique par une combinaison de facteurs. L’augmentation de la production, notamment en Indonésie, qui représente 50 % de l’offre mondiale, a créé une surabondance. En parallèle, le ralentissement économique en Chine, principal consommateur de nickel, a réduit la demande. Toutefois, les perspectives à long terme restent positives, car la transition énergétique mondiale continue de stimuler la demande de batteries pour VE.
L’industrie du nickel fait face à plusieurs défis, notamment les préoccupations environnementales liées à l’exploitation minière. L’extraction du nickel, souvent réalisée dans des régions sensibles comme l’Indonésie, génère des émissions de CO2 importantes et des impacts sur les écosystèmes locaux. Les investisseurs et les fabricants de VE sont donc de plus en plus attentifs aux pratiques d’extraction durable.
Malgré ces défis, le nickel reste un investissement attractif. Les analystes prévoient une reprise de la demande à mesure que les ventes de VE rebondissent, portées par les politiques de décarbonation en Europe et aux États-Unis. De plus, les innovations dans le recyclage des batteries pourraient réduire la dépendance aux nouvelles extractions, stabilisant les prix à long terme.
Métal | Valeur dans les VE (milliards USD) | Prix moyen (USD/tonne) | Part dans les batteries |
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Nickel | 2,20 | 17 000 | ~50 % (batteries NMC) |
Lithium | 2,15 | 8 450 | ~50 % (batteries LFP/NMC) |
Le marché du nickel, bien que moins volatile que celui du lithium, reste exposé aux incertitudes. Les investisseurs doivent naviguer entre les risques à court terme (surabondance, ralentissement économique) et les opportunités à long terme (croissance des VE, transition énergétique). Les entreprises qui investissent dans des technologies d’extraction durable et des procédés de recyclage pourraient tirer leur épingle du jeu.
La saga du nickel, marquée par l’épisode spectaculaire du « short squeeze » de 2022, illustre la volatilité des marchés des minéraux critiques. Malgré une baisse des prix à 17 000 dollars la tonne en 2025, le nickel reste un pilier de l’industrie des VE, surpassant légèrement le lithium en valeur dans les batteries déployées cette année. Alors que les batteries LFP gagnent du terrain, le nickel conserve un rôle clé grâce à sa densité énergétique. Pour les investisseurs, le marché du nickel offre un équilibre entre risques et opportunités, dans un contexte où la transition énergétique redéfinit les priorités économiques mondiales.