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Mali : comment les nouvelles politiques redessinent le secteur minier

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Mali : comment les nouvelles politiques redessinent le secteur minier

Alors que le Mali traverse une période de tensions croissantes dans son secteur minier, illustrées par la récente saisie des stocks d’or de la société canadienne Barrick Gold par le gouvernement militaire, les enjeux de souveraineté économique et de gouvernance des ressources prennent une ampleur inédite. Dans un pays où l’or constitue le moteur économique, les réformes en cours et leurs implications suscitent des débats intenses. Mamadou Camara, chercheur en politique minière, décrypte pour nous les dynamiques actuelles, les avancées réalisées et les défis persistants qui façonneront l’avenir de ce secteur stratégique.

En 2023, le secteur minier a injecté 644 milliards de francs CFA (environ 1 milliard de dollars américains) dans le budget de l’État malien, représentant 21,5 % des finances publiques, une légère hausse par rapport à 2022. Avec une production de 70 tonnes d’or, l’exploitation minière industrielle a généré des revenus substantiels, tandis que les exportations, atteignant 500 milliards de francs CFA (784 millions de dollars), ont couvert les trois quarts des recettes d’exportation du pays. Au-delà des chiffres, le secteur a créé 61 023 emplois, dont 10 000 directs, consolidant son rôle de moteur économique.

Dans un contexte marqué par une crise sécuritaire et politique depuis 2013 — coups d’État et occupations territoriales par des groupes rebelles —, ces revenus financent des infrastructures vitales : écoles, centres de santé, routes et ponts. « Le secteur minier est aujourd’hui perçu comme un levier de souveraineté nationale, une priorité pour les autorités », souligne Mamadou Camara. Cette ambition s’est traduite en 2023 par l’octroi de 12 nouveaux permis d’exploration, privilégiant les entreprises maliennes tout en restant ouvertes à certains investisseurs étrangers.

Adopté en 2023, le nouveau code minier reflète la volonté du Mali de renforcer sa mainmise sur ses ressources. Parmi les mesures phares, l’État s’arroge désormais une participation initiale de 10 % dans tout projet minier, extensible à 20 % supplémentaires dans les premières années de production, auxquels s’ajoutent 5 % réservés au secteur privé malien. Cette participation totale, pouvant atteindre 35 % contre 20 % auparavant, pourrait générer 500 milliards de francs CFA additionnels (784 millions de dollars) pour le Trésor public.

L’accent mis sur le « contenu local » constitue une autre avancée majeure. En priorisant l’emploi et les entreprises maliennes, le code impose aux opérateurs de verser 0,75 % de leurs revenus trimestriels à un fonds de développement local. Par ailleurs, la révision des exonérations fiscales, notamment sur les carburants, et la restructuration des permis — désormais renouvelables pour 12 ans pour les grandes mines et limités à 9 ans pour l’exploration — visent à optimiser les retombées économiques tout en encourageant une exploitation plus intensive.

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Malgré ces avancées, le secteur minier malien reste confronté à des obstacles de taille. L’exploitation artisanale, souvent informelle, échappe largement aux cadres réglementaires, rendant les estimations de production floues. « Cette opacité complique la collecte de données et la régulation », note Mamadou Camara. À cela s’ajoutent des impacts environnementaux préoccupants : déforestation, pollution des sols et des eaux par des produits chimiques, et dégradation de la biodiversité. La surpopulation autour des sites miniers aggrave également la pollution atmosphérique.

Sur le plan social, les bénéfices de l’exploitation ne profitent pas toujours aux communautés locales. Pour y remédier, une politique de développement communautaire est en cours d’élaboration, visant à atténuer les effets négatifs tout en créant des opportunités économiques. « Il faut renforcer la résilience des populations, améliorer l’accès au financement et sécuriser les zones minières », insiste le chercheur.

Le nouveau code minier marque un pas vers une gestion plus responsable, en garantissant une répartition équitable des bénéfices entre l’État, les communautés et les opérateurs. Cependant, des défis subsistent, notamment dans le nord du pays, où l’insécurité freine l’exploration et laisse de vastes gisements inexploités. Pour Mamadou Camara, la clé réside dans une approche globale : « Améliorer la gouvernance passe par la sécurisation des territoires, le renforcement des capacités des acteurs locaux et une lutte efficace contre la dégradation environnementale. »

Alors que le Mali cherche à concilier souveraineté économique et durabilité, le secteur minier demeure à un tournant décisif. Entre ambitions nationales et impératifs écologiques, l’équilibre reste fragile, mais les réformes en cours pourraient poser les bases d’un modèle plus inclusif et résilient.

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