La Guinée, premier exportateur mondial de bauxite avec plus de 145 millions de tonnes expédiées en 2024, devient un acteur dans la gestion de cette ressource stratégique. Dans un décret à la télévision nationale, le président Mamadi Doumbouya a annoncé la création de la Nimba Mining Company (NMC), une société publique destinée à renforcer le contrôle de l’État sur l’exploitation de la bauxite. Parallèlement, une seconde entité publique, la Guinéenne des transports maritimes (Guitram), a été mise en place pour prendre en charge le transport de la moitié des volumes exportés, sous pavillon guinéen.
Ce repositionnement intervient dans un contexte où la Guinée cherche à affirmer sa souveraineté sur ses ressources naturelles, à l’image de certains pays voisins comme le Mali ou le Niger. Contrairement à ces derniers, qui ont engagé des confrontations directes avec des compagnies minières, Conakry s’appuie sur l’application rigoureuse de son cadre juridique existant, notamment le code minier.
En vertu de l’article 88 de ce code, le gouvernement a retiré les droits d’exploitation de la concession de bauxite précédemment accordée à Guinea Alumina Corporation (GAC), filiale de la société Emirates Global Aluminium. Cette décision fait suite à des accusations répétées selon lesquelles GAC n’aurait pas respecté ses engagements, notamment la construction d’une raffinerie d’alumine, un projet clé pour la transformation locale de la bauxite. Les exportations de GAC, qui représentaient 10,8 millions de tonnes en 2024, avaient été suspendues dès octobre 2024, avant l’annulation définitive de la convention liant l’entreprise à l’État.
Un second décret a attribué à la NMC des droits d’exploitation sur cette concession pour une durée de 25 ans, marquant une étape majeure vers une gestion plus directe des ressources par l’État. Par ailleurs, la création de Guitram s’inscrit dans l’exploitation d’une prérogative peu utilisée jusqu’ici : le droit de l’État à transporter 50 % de la production de bauxite, conformément au code minier.
Ces initiatives traduisent une ambition claire : passer d’un rôle de simple régulateur à celui d’acteur clé dans la chaîne de valeur de la bauxite. Selon le ministre des Mines, Bouna Sylla, Guitram permettra à la Guinée de contrôler une part significative du transport maritime de son minerai, réduisant ainsi la dépendance aux opérateurs étrangers. La NMC, quant à elle, vise à optimiser l’exploitation des gisements pour maximiser les retombées économiques.
Cependant, des zones d’ombre subsistent. Peu d’informations ont été communiquées sur le financement de ces projets ou sur le calendrier de démarrage des activités commerciales des deux entités. Les défis logistiques, financiers et techniques auxquels la NMC et Guitram seront confrontés restent également à préciser.
Comme l’expliquait Me Hamidou Dramé, avocat au barreau de Guinée, dans une interview accordée à l’Agence Ecofin en octobre 2021, « si aucune grande réforme du cadre juridique n’est à envisager, on peut toutefois s’attendre à ce que les nouvelles autorités renforcent l’application des règles prévues dans le code minier, notamment en matière fiscale et de contenu local ». Cette prédiction semble se concrétiser, avec une application stricte des obligations contractuelles et légales imposées aux opérateurs miniers.
Néanmoins, la Guinée devra veiller à maintenir l’attractivité de son secteur minier, toujours dominé par des groupes étrangers disposant de moyens financiers et techniques considérables. Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité des nouvelles structures publiques à relever les défis opérationnels tout en consolidant la confiance des investisseurs.
La création de la NMC et de Guitram s’inscrit dans une dynamique régionale où plusieurs pays africains cherchent à reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles. En Guinée, cette démarche, portée par le président Doumbouya depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2021, vise à maximiser les bénéfices économiques de la bauxite pour le développement national. Reste à savoir si ces initiatives parviendront à transformer durablement le paysage minier guinéen, tout en évitant les écueils qui ont parfois freiné des projets similaires dans la région.