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Mali : Barrick Gold face à une possible perte de contrôle de la mine de Loulo-Gounkoto

C e jeudi 15 mai 2025, la justice malienne se prononce sur une demande cruciale des autorités de Bamako : la nomination d’un administrateur provisoire à la tête de la mine d’or de Loulo-Gounkoto, l’un des plus grands complexes aurifères au monde, exploité par le géant canadien Barrick Gold. Cette audience, qui se tient au tribunal de commerce de Bamako, pourrait marquer un tournant décisif dans le bras de fer qui oppose l’État malien à la compagnie minière, dans un contexte de tensions croissantes autour de la souveraineté économique du pays.
Depuis l’adoption d’un nouveau code minier en août 2023, suivi d’une révision en 2024, le Mali cherche à rééquilibrer le partage des revenus issus de l’exploitation de ses ressources aurifères. Le pays, l’un des principaux producteurs d’or en Afrique, souhaite accroître sa participation dans les projets miniers, notamment en portant sa part à 30 % dans les nouvelles concessions et en mettant fin aux exonérations fiscales accordées aux compagnies étrangères. Loulo-Gounkoto, détenu à 80 % par Barrick Gold et à 20 % par l’État malien, est au cœur de ces revendications.
Bamako réclame également des centaines de millions de dollars d’arriérés d’impôts, accusant Barrick Gold de ne pas respecter ses engagements fiscaux. Selon les autorités maliennes, la compagnie aurait ouvert des comptes offshore, une pratique légale mais contestée dans le cadre des négociations actuelles. En réponse, Barrick Gold dénonce une application rétroactive du nouveau code minier et affirme avoir déjà versé 85 millions de dollars en octobre 2024 dans le cadre des discussions, ainsi qu’un accord négocié en février 2025, toujours en attente de signature officielle.
Les relations entre Barrick Gold et la junte au pouvoir, dirigée par le colonel Assimi Goïta, se sont fortement détériorées ces derniers mois. En novembre 2024, quatre cadres maliens de l’entreprise ont été placés en détention, et un mandat d’arrêt international a été émis contre le PDG de Barrick, Mark Bristow, pour des soupçons de « blanchiment de capitaux ». En janvier 2025, les autorités maliennes ont saisi environ trois tonnes d’or, d’une valeur estimée à 318 millions de dollars, entraînant une suspension temporaire des opérations de la mine par Barrick Gold. Plus récemment, le 15 avril 2025, les bureaux de l’entreprise à Bamako ont été fermés pour « non-paiement d’impôts », selon les services fiscaux maliens.
Ces actions musclées s’inscrivent dans une stratégie plus large de la junte pour affirmer sa souveraineté économique. « Le Mali ne peut plus se contenter de parts marginales dans l’exploitation de ses richesses », a déclaré un conseiller du ministère des Mines, sous couvert d’anonymat. Cette position est partagée par d’autres pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), comme le Burkina Faso et le Niger, qui ont également réformé leurs cadres miniers pour maximiser les revenus nationaux.
Pour Barrick Gold, la perte de contrôle de Loulo-Gounkoto serait un coup dur. La mine, qui a produit 547 000 onces d’or en 2022, est un actif stratégique pour l’entreprise, présente dans 18 pays. Selon les analystes de Jefferies, la suspension de la production pourrait réduire les bénéfices de Barrick de 11 % en 2025. Mark Bristow, figure emblématique du secteur minier africain, a dénoncé des « violations des droits humains » concernant l’incarcération de ses employés et a engagé une procédure d’arbitrage international pour protéger les intérêts de l’entreprise.
Côté malien, l’or représente un quart du budget national et les trois quarts des recettes d’exportation. Une reprise de contrôle de Loulo-Gounkoto pourrait renforcer les finances publiques, mais elle comporte des risques. La suspension des opérations de Barrick a déjà affecté 8 000 emplois directs et de nombreux prestataires locaux, selon l’entreprise. De plus, une rupture définitive avec un acteur majeur comme Barrick pourrait dissuader d’autres investisseurs étrangers, dans un pays déjà confronté à l’instabilité politique et à la menace jihadiste.
Malgré l’escalade, des négociations ont repris en janvier 2025, signe d’une volonté de part et d’autre d’éviter une rupture totale. Barrick Gold s’est dit prêt à « redéfinir le partenariat » pour augmenter la part de l’État dans les bénéfices, tandis que Bamako insiste sur le respect des nouvelles règles minières. Cependant, les observateurs restent prudents. « La signature de l’accord négocié en février semble bloquée par des intérêts politiques internes », note une source proche du dossier.
L’issue de l’audience du 15 mai sera déterminante. Si la justice malienne valide la nomination d’un administrateur provisoire, Barrick Gold risque de perdre tout ou partie de son contrôle sur Loulo-Gounkoto, marquant une victoire symbolique pour la junte. À l’inverse, un rejet de la demande pourrait ouvrir la voie à une résolution négociée, préservant les intérêts des deux parties.
En attendant, le Mali envoie un message clair : l’ère des contrats miniers déséquilibrés est révolue. Reste à savoir si cette quête de souveraineté économique se traduira par des bénéfices durables pour le pays, ou si elle risque d’isoler davantage un secteur minier vital pour son économie.
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